Cet article est la suite de l’article  » le marché du scénario » rédigé par Jean-Claude.

Scénariste : le (pilier) fantôme…

Notre Cinéma est la victime d’un grave paradoxe : le scénariste, censé être le pilier à l’origine d’un projet, celui qui lance la machine, n’a pas la place qu’il devrait avoir ! Les décideurs, sous couvert d’impératifs financiers et/ou de tournage, ont la mainmise sur la compétence principale de l’auteur : l’élaboration de l’histoire.

Cette dérive a été mise en avant par le rapport CHEVALIER sur la fiction française du 22 juin 2010. Un rapport de plus qui vient gonfler le tas d’autres rapports qui disent tous la même chose : Amélioration des aides à l’écriture, moins d’implication des diffuseurs, accorder plus de place à l’auteur… De belles phrases sur papier qui ne correspondent en rien à la triste réalité.

Et la récente polémique lancée par le producteur VINCENT MARAVAL sur l’essoufflement du « star système » ne va pas arranger ce château de cartes très précaire qu’est le financement des films dans notre contrée.

Une question à combien ?

Prêt ? Comment est-ce possible de voir arriver des films en salle avec des scénarios aussi nuls et atrocement commun… ? Une question utopique me direz vous ? Et bien pas tant que ça dans la mesure où c’est ce qui arrive tous les mercredis… !

Un producteur, IGOR WOJTOWICZ, apport quelques éléments de réponse : « on ne peut pas dire à une star que son scénario est mauvais »… ou bien « on doit un retour d’ascenseur » … Mieux encore « tu te rends comptes, cette grosse chaîne de télé met tant de millions sur la table ! On y va même si le scénario est nul ! »… et pour finir « on sent que la qualité n’est pas toujours au rendez vous mais il y a des propositions qu’on ne peu refuser ! »… et de ses propres termes : « j’en passe et des meilleurs ! »

Et voilà… Quelques phrases en guise de vérité… HOLLYWOOD fait du cinéma commercial, HOLLYWOOD pond souvent des scénarios de qualité, peut être un brin démago, voir trop mélo, mais en tout cas, cohérent et sérieusement travaillé. Alors pourquoi autant de m’en foutisme dans notre belle contrée ?

Les têtes pensantes ont oublié l’objectif premier au cinéma : divertir dans les salles et non répondre aux exigences des chaînes télé, omniprésentes dans le financement des films, avec des impératifs liés à la futur diffusion sur le petit écran.

Un cercle vicieux sans fin. « pour retrouver un cinéma commercial exigeant, il faut remettre l’exploitation en salle de cinéma comme objectif premier, ouvrir les portes à la concurrence et savoir faire des choix audacieux. » IGOR WOJTOWICZ

A bon entendeur messieurs les producteurs !

La triste réalité du scénariste

Je ne le répéterais jamais assez : scénariste n’est pas un métier mais une vocation ! Le rapport annuel de la SACD pour l’année 2012 est éloquent : 87, 6 % des scénaristes gagnent entre 0 et 10 000 euros par an, et 1, 2% seulement plus de 100 000 euros.

Comment est rémunéré un scénariste ?

Il existe 3 façons : Le premier se nomme le Minimum Garanti (MG). Le MG, qui s’appuie sur le budget d’un film, est une avance sur les futures recettes qui doivent être versées à l’auteur pendant la phase d’écriture. Et oui, même s’il est nourri par la passion, le scénariste ne vit pas juste de cette passion.

Le MG constitue la part principale fixe des revenus pour un scénariste de cinéma. Ensuite, au MG se rajoute une indexation sur l’évolution du budget du film. Il s’agit d’une sorte de bonus « caché » négocié directement avec le producteur. Ce genre de négociation est avant tout réservée aux scénaristes très prisés et représente peu de contrat.

Ajouter à ça, il y a un bonus à l’exploitation. En effet, le scénariste peut négocier un bonus versé à partir du moment où le film réalise un certain nombres d’entrées. Là encore, ce bonus concerne le haut de la profession des scénaristes, mais aussi les films à gros budget (plus de 7 millions d’euros) ayant un gros potentiel de diffusion. Par ailleurs, dans la phase d’écriture d’un film, le réalisateur peut aussi participer. Dans cette configuration, le réalisateur bénéficiera du même bonus que le scénariste.

Et enfin, une dernière source de revenus : le RNPP pour Recettes Nettes Par Producteur. Il s’agit de l’ensemble des recettes réalisées par le producteur à l’occasion de l’exploitation du film. 66% des scénaristes pros ont négocié un pourcentage sur les RNPP, ce pourcentage est de 0, 76% pour les scénaristes, et de 3, 48% pour les réalisateurs ayant la double casquette.

Ce dernier aspect fait naître un déséquilibre entre le scénariste et le réalisateur. Une récente étude sur la production de l’année 2012 montre que, sur 241 films étudiés, seul 9% n’ont pas vu de réalisateur associé à l’écriture. Pour le reste, le scénariste passe en second derrière le réalisateur. Concrètement, en plus des avantages liés à sa fonction de réalisateur, celui-ci touchera le même revenu que le scénariste.

Problème de fond

Intéressons nous au fameux MG, avec un exemple concret. En moyenne, lorsqu’un réalisateur écrit seul son film, il touchera un MG de 138 000 euros, et lorsque c’est le scénariste qui écrit seul, il touche 72 000 euros.

Dans le cas d’un collaboration, le MG moyen qu’un réalisateur touche, qu’il écrive avec ou sans scénariste, sera de 128 000 euros. Le MG moyen qu’un scénariste touche, qu’il écrive avec ou sans réalisateur, est de 62 000 euros. Pour autant, la GUILDE DES SCENARISTES se refuse d’opposer scénaristes et réalisateurs, même si la rémunération pour un travail identique est aussi déséquilibré.

Là encore, on retombe sur le problème de base : trop peu d’investissement pour l’écriture ! En général, les films attribuent à peine 2, 3% de leur budget à l’écriture. Dans la fourchette de budget comprise entre 2, 5 millions et 15 millions d’euro, c’est entre 2, 5% et 3%.

Toutefois, les réalisateurs revendiquent haut et fort la double casquette que les scénaristes n’ont pas. Concrètement, le travail du scénariste se contente de l’écriture en amont du film. C’est très rare qu’un scénariste participe au tournage. Alors que le réalisateur, lui, est là du début – écriture et casting -, au milieu – tournage -, et la fin – post-prod.

Le cas américain

Les revenus des scénaristes américains sont très encadrés par la puissante WRITERS GUILD OF AMERICA. Le puissant syndicat des scénaristes américains est à des années lumière de notre frileuse guilde. Là, les intérêt des auteurs sont vraiment mise en avant, souvenez vous de cette grève des scénaristes…

Là bas, pour un film de 5 millions de dollars, le scénariste touchera, seul, un minimum de 65 000 dollars, sachant que ce montant est revalorisé de 2% tous les ans. Dans le cas d’un film supérieur à 5 millions de budget, le scénariste touchera, seul, 125 000 dollars. La différence avec la France est déjà énorme, car aux Etats-Unis, le scénariste est à sa place d’auteur.

Cela dit, ce système de rémunération au pourcentage a ses limites car même à Hollywood, au même titre que chez nous, il n’y a pas que des films à plus de 5 millions de budget. Toutefois, en règle générale, les budgets alloués à chaque scénariste – aux états unis plusieurs scénaristes peuvent travailler sur le même film – oscillent entre 2% et 5%, fourchette déjà supérieure à la moyenne Française.

Aux Etats-Unis, les dernières études montrent que les scénaristes gagnent entre 62 000 et 53 000 dollars. Cela dit, ne faites pas vos valises pour aller vous dorer la pilule sous le soleil de Californie en pensant toucher un jour le jackpot ! En 2011 la WGA notait que 46 % des scénaristes n’avaient pas travaillé l’année passé, rajouté à cela qu’un scénariste non syndiqué qui signe un contrat avec un producteur ne bénéficie pas de ces accords. En gros, les contrats sont malléables et en majorité tributaire des résultats d’exploitation.

La précarité est donc aussi de mise outre atlantique, mais la force de ces derniers est d’avoir encadré très rigoureusement chacune des étapes d’écriture d’un scénario. C’est cet aspect qui manque en France. D’ailleurs, la GUILDE est devenue signataire d’un accord pour le développement de la fiction avec France Télévision. La révolution est en marche… à pas de souris…

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